Rafiq Hariri : fin tragique d’un homme d’Etat


Libé
Samedi 14 Septembre 2013

Rafiq Hariri : fin tragique d’un homme d’Etat
Rafiq (Baha ad-Din) Al-Hariri, né le 1er novembre 1944 à Saida et mort assassiné le 14 février 2005 à Beyrouth, est un homme d'affaires et homme politique libanais. Musulman sunnite et marié à deux reprises, Hariri est père de cinq enfants. Il fait fortune en Arabie Saoudite avant de diriger cinq gouvernements au Liban entre 1992 et 2004. Hariri est le locataire du Sérail, siège des bureaux du Premier ministre à Beyrouth, de 1992 à 1998 puis de 2000 à 2004.
Fils d'un ouvrier agricole, il effectue ses études à Saïda, puis il obtient un diplôme de hautes études commerciales de l'Université arabe de Beyrouth en 1964. Il militera quelque temps au sein du Mouvement nationaliste arabe de Georges Habache.
Il quitte le Liban à 18 ans pour l'Arabie Saoudite, où il est successivement professeur de mathématiques, puis promoteur dans la construction pétrolière. En 1977, le roi Khaled le charge de construire le palais de Taëf, qu'il bâtit en moins de six mois, ce qui lui vaut la confiance du prince héritier d'alors, le futur roi Fahd. Il devient alors très prospère.
En 1979, il crée la société d'ingénierie Oger international à Paris, qui reconstruira une grande partie de Beyrouth à la fin de la guerre civile libanaise dans les années 1990. A la tête d'une immense fortune, estimée entre 4 et 10 milliards de dollars, le «maître de Koraytem» est présent dans des domaines aussi variés que la banque, l'immobilier, l'industrie, les médias. Il avait au Liban sa propre chaîne de télévision, Future TV, et son quotidien, Al-Mustaqbal. Il possède aussi Radio Orient, installée à Paris.
Rafiq Hariri est nommé à la tête de cinq gouvernements entre 1992 et 2004 : il est Premier ministre du 31 octobre 1992 au 2 décembre 1998, puis du 23 octobre 2000 au 21 octobre 2004. A ce poste, il met son carnet d'adresses au service de son pays tout en continuant à s'enrichir, parfois dans un contexte politico-financier trouble. Il entretient alors des relations étroites avec le président français Jacques Chirac et participe au financement de sa campagne pour l'élection présidentielle française de 2002.
Opposant à l'influence du gouvernement syrien sur son pays, après des années d'alliance objective avec la Syrie, il démissionne de son poste de Premier ministre, en octobre 2004, à cause des tensions avec le président Emile Lahoud. Il signifie son intention d'unifier les parlementaires d'opposition, dont il est l'un des ténors, en vue des élections législatives devant se tenir l'année suivante.
Le 14 février 2005 à 12h11, malgré le blindage de son véhicule, un attentat à l'explosif le tue en même temps qu'une douzaine de personnes et blesse une centaine de passants sur la route du bord de mer de Beyrouth. Les services de renseignements syriens sont immédiatement montrés du doigt par l'opposition et une partie de la population. Selon certains témoignages (du chef druze Walid Joumblatt et de la journaliste irlandaise Lara Marlow avec qui Hariri s'est entretenu), il aurait reçu des menaces de la part de la Syrie. En décembre 2005, l'ancien vice-président syrien Abdel Halim Khaddam confirme ces accusations :
«Selon ces témoignages, Hariri rappela à M. Assad son engagement de ne pas prolonger le mandat de M. Lahoud, et M. Assad répondit qu'il y avait eu un changement de politique et que la décision avait déjà été prise. Il a ajouté que M. Lahoud devrait être vu comme son représentant personnel au Liban et que "s'opposer à lui est équivalent à s'opposer à Assad lui-même". Il ajouta alors qu'il (M. Assad) "préférerait casser le Liban sur les têtes de Rafic Hariri et (du leader druze) Walid Joumblatt que de voir sa parole au Liban rompue". Selon ces témoignages, M. Assad a alors menacé M. Hariri et M. Joumblatt de rétorsions physiques. La rencontre aurait duré une dizaine de minutes et c'était la dernière fois que M. Hariri devait voir M. Assad. Après cette réunion, M. Hariri a dit à ses partisans qu'il n'avait guère d'autre choix que de soutenir la prorogation du mandat Lahoud. Cette commission a aussi reçu d'autres témoignages de menaces faites à M. Hariri par des membres de services de sécurité dans le cas où il ne voterait pas en faveur de la prolongation ou "s'il pensait simplement à quitter le pays". Rapport de la commission Fitzgerald, 24 mars 2005».
Hariri était personnellement proche de la famille royale saoudienne. Il bénéficiait à ce titre de la double nationalité libano-saoudienne. Il avait fait profiter de ses largesses de nombreuses associations et fondations qui aidaient les Libanais sans distinction de religion. C'est à partir de ses dons qu'il avait su se bâtir un électorat fidèle qui, à sa mort, proteste vigoureusement contre ses adversaires politiques. L'assassinat de Hariri est aussi ressenti au-delà des traditionnelles barrières communautaires et religieuses. Cette réprobation fait descendre une grande partie de la population libanaise dans les rues de Beyrouth à l'occasion de la manifestation du 14 mars. Cet assassinat marque le début de ce que certains appellent la Révolution du Cèdre, qui conduit au départ de la totalité des troupes syriennes fin avril 2005.
Sa dépouille est inhumée dans un mausolée situé sur la place des Martyrs, au pied de la mosquée dont il a financé la construction.
En avril 2005, son deuxième fils Saad décide de se lancer dans la carrière politique et y rejoint sa tante Bahia Hariri.
Rafiq Hariri a entretenu des liens amicaux avec Jacques Chirac qu'il tutoyait. En mai 2007, à l'issue de sa présidence de la République, Jacques et Bernadette Chirac vont s'installer dans un appartement de 180 m2 sur les quais de Seine appartenant à la famille Hariri.


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